Dernier épisode de ce voyage
Que je me balade à vélo en Europe, en Amérique ou en Afrique, la population locale me prend toujours pour une Allemande et l’ Allemagne ne fait pas exception à la règle. C’est parfois exaspérant d’être prise pour ce qu’on n’est pas et dans ce cas, je dis toujours que je suis Espagnole, histoire de déstabiliser les gens.
Les gens s’adressent à moi en allemand à toute allure et mes petits cours sur Duolingo ne m’aident que très modérément. Le logo vert représentant une chouette attend impatiemment mes petits clics, histoire de pouvoir quand même me débrouiller un minimum.
Lors de mon voyage à l’automne 2020 jusque dans le Sud de l’Italie, j’avais eu très peu de contacts avec les gens; rien de tel lors de ce voyage. Les campings sont ouverts et les occasions de faire connaissance avec ses voisins ne manquent pas. Idem le long de la route ou dans les restaurants où les touristes, surtout allemands, sont nombreux.
La situation est dédramatisée, les voyageurs semblent tous vaccinés, sans cela, ils doivent se faire dépister tous les 3 jours, ce qui est pour le moins astreignant. Le pass corona est vérifié où qu’on aille et les hôtes warmshower sont prêts à accueillir les cyclistes.
Les nuages, les orages et la pluie s’invitent par intermittence mais j’arrive à rouler entre les gouttes. Ma tente est enrhumée, le paysage est très vert, je traverse plusieurs champs de fleurs à cueillir soi-même en self-service.
Je longe le Main sur des pistes en gravier. Les itinéraires cyclables sont très bien balisés, c’est reposant pour l’ esprit car il suffit de suivre les petites flèches vertes. Les cyclistes sont encore nombreux; de nombreux Allemands ne sont pas partis à l’étranger et ont choisi de visiter leur pays en cet été 2021.
Sur la carte, je vois de nombreux lacs. Il s’agit en fait d’ anciennes mines de charbon à ciel ouvert. Elles ont été remplies d’eau à la fin de leur exploitation et forment à présent des petits lacs, biotopes précieux pour la faune, et où les gens viennent se baigner dès qu’il y a un rayon de soleil.
L’activité industrielle est importante autour du Main et je traverse rapidement la ville de Francfort; tout est en site propre pour les cyclistes. On entend vrombir les moteurs mais on ne croise aucune voiture. La piste est 3 fois plus large que celle de Bruxelles le long du canal.
Je ne suis plus en Bavière et peux oublier les masques FFP2. Ce n’est pas pour autant qu’on peut faire preuve d’originalité avec des masques en tissu. Exit le textile, honneur au masque chirurgical.
Le Main se jette dans le Rhin à Mayence, autre ville largement détruite à la fin de la guerre.
J’y suis accueillie chez Astrid et Steffen. J’ai de la chance car en une semaine et 3 sollicitations, j’aurai 3 hébergements chez des membres de warmshower. Luxe et plaisir de la rencontre.
Je suis le cours du Rhin jusqu’à Bonn. Ma 1ère halte est Rüdesheim où je découvre le musée des instruments de musique mécaniques.
La guide nous fait découvrir avec éblouissement orchestrions, orgues de barbarie, piano pneumatique reproducteur et autres instruments entretenus avec amour par un collectionneur. Merveilleux !
Le Rhin est une voie de navigation prisée par les péniches, mais aussi par les croisiéristes. La vallée est considérée comme l’espace économique le plus dynamique d’Europe.
L’Eurovelo 15 suit la totalité du fleuve, de Rotterdam à Bâle; je suis tentée de pousser jusqu’à Rotterdam mais le mauvais temps me fait changer d’avis. Rien ne m’empêchera de boucler le circuit à une autre occasion.
La vallée du Haut-Rhin est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle est parsemée de vignes, de châteaux perchés, de villages de toute beauté.
La Loreley, nymphe de la mythologie germanique, attirait jadis par ses chants les navigateurs jusqu’à leur perdition. Une chanson de 1982 (sans rapport avec le lieu) me trotte dans la tête durant toute la journée.
https://youtu.be/aHcUSBBmSm8
Il s’agit en fait d’un haut rocher qui marque la partie la plus étroite du Rhin. Je longe le fleuve souvent bleu, contrairement au Danube que je n’ai vu que brunâtre, sur une piste cyclable toute plate mais avec un petit vent de face. Tout ne peut être parfait.
A Coblence, le Rhin accueille la Moselle sous le vent et la pluie. Plus loin, c’est l’Ahr, qui a débordé en juillet et fait moultes victimes. De nombreux routes et ponts sont endommagés et me forcent à faire quelques détours, un moindre mal par rapport à ce qu’ont subi les victimes des inondations.
Je passe 2 nuits à Bonn, ville sympa et dynamique. A l’image de Tokyo 2020, on fête ici avec 1 an de retard les 250 ans de la mort de Beethoven.
Après Bonn, je traverse une autoroute interdite à la circulation, très endommagée par les dernières inondations, image d’apocalypse. Je loge chez une belle famille de 4. Malina, 3 ans, me reprend sur le nom des animaux de ferme de son livre illustré et Florian fait de la soupe avec le thermomix.
Martin, un autre cycliste accueilli en même temps que moi, a les fameuses 4 sacoches+gros boudin sur le porte-bagages. Il me traite de Mary Poppins car j’arrive à tout fourrer dans mes 2 sacoches.
Lui a des chaussures en cuir comme pour aller au bureau et des sweat-shirts avec un rapport volume/efficacité très discutable. Il cherche l’inspiration dans la vie des gens qui l’hébergent et qu’il rencontre en chemin. Chacun son voyage et ses priorités !
Ça sent l’écurie et je passe la frontière belge pour arriver chez Ingrid et Bruno. 2 autres couples d’amis et leurs enfants sont également présents. Que c’est bon de revoir les amis, de parler français, de manger de la tarte au riz et des lasagnes maison.
Bruno fait un nettoyage complet de mon vélo, il change ma chaîne, et Ingrid m’accompagne à vélo pendant 21 kms.
J’apprécie ce petit pas de conduite durant lequel nous devisons joyeusement jusqu’à Visé.
Ma dernière étape est Saint-Trond, chez un couple de Sud-Africains qui vient d’avoir confirmation de l’arrivée d’un enfant. Cris joyeux et rires quand ils communiquent la nouvelle par Skype à leurs parents. Pour l’occasion, ils préparent un gâteau au chocolat dans lequel ils intègrent… du vinaigre. J’y ai fait honneur!
La campagne est très très verte, confirmant l’été pourri qu’a connu le pays, et les arbres ploient sous le poids des poires et des pommes. L’art s’invite à la campagne et je découvre sur les conseils de Anne une magnifique petite chapelle.
Un peu plus loin, une autre petite chapelle est en suspension délicate au dessus d’un champ.
C’est jour de marché à Tirlemont et je ne résiste pas à l’odeur caramélisée d’une délicieuse gaufre de liège. Je suis vraiment chez moi!
A Evere, je m’arrête pour acheter un pain. Le boulanger me déclare avec un grand sourire « ça fait du bien de faire une petite balade à vélo? ». C’est un euphémisme car j’ai pédalé pendant 13 semaines, j’ai traversé 12 pays et ai parcouru 4260 kms.
Merci à chacun pour les encouragements, les petits coups de fil, la lecture, ou non, de mon blog.
Je repartirai, mais nul ne connaît encore ni le jour ni l’heure, ni la destination.