Plus au Sud et plus à l’Est
Six mois précisément se sont écoulés depuis mon retour d’Italie.
J’ai consacré quatre mois à me remettre dans le rythme du travail. Comme je voulais explorer un domaine différent pendant mon congé sans solde, j’ai travaillé pendant trois mois à vacciner le personnel soignant puis les patients à risque dans mon hôpital de prédilection et ensuite un mois à vacciner les membres de la commission européenne🇪🇺, histoire d’explorer un autre monde.
Belle expérience que de découvrir sur un bras lors de la deuxième dose de vaccin le sparadrap qu’on avait placé trois semaines précédemment lors de la première dose.
Étonnant de voir comment un beau tatoué tout musclé demande piteusement de se faire vacciner allongé par crainte de s’évanouir.
Émouvant de découvrir des infirmières qui se signent à deux ou trois reprises avant de recevoir le vaccin. À la commission européenne le caractère international était propice à songer au voyage.
Le grand jeu était pour moi d’essayer de deviner la nationalité des gens par leur physique d’abord et en fonction de leur nom ensuite; il ne me restait alors plus qu'à les interroger sur les possibilités de visiter leur pays en ces temps troublés d’épidémie de Covid 19.
Investiguer sur les conditions d’accès à chaque pays européen n’est pas chose aisée d’autant plus que la situation évolue de semaine en semaine.
Je jette finalement mon dévolu sur la Grèce car ce pays n’impose pas de quarantaine pour toute personne vaccinée complètement depuis plus de deux semaines; c’est le cas également en Albanie, en Macédoine du Nord au Monténégro et en Croatie. Plus au nord et plus à l’ouest, la situation reste encore très aléatoire mais en prenant mon temps pour pédaler mon optimisme me souffle dans l’oreille qu’ il devrait y avoir des possibilités de passer. Qui vivra verra, avec cependant un brin de méfiance par rapport aux variants qui pointent un peu partout le bout de leur nez.
J’embarque donc pour Thessalonique, avec ma bikette et 16 kg de bagages répartis dans 2 sacoches arrières. A l’arrivée, un douanier me demande mon certificat de vaccination; je ne l’ai plus! On me l’a demandé à Zaventem avant l’embarquement, et je l’ai présenté, certes et ensuite ??? J’en ai bien 12 autres exemplaires, j’ai pris mes précautions en calculant le nombre de pays que je suis susceptible de traverser, mais ils sont dans mes bagages enregistrés. Je n’ai sous la main que la petite carte que j’ai écrite moi-même tout comme j’en ai rédigé des milliers d’autres aux cliniques Saint Luc.
Un grand sourire et un air très sûr de moi font l’affaire: le douanier me fait un grand signe théâtral « c’est bon, allez-y madame ». Un comble, car je suis incapable de dire combien de fois j’ai dit aux vaccinés que cette carte n’avait aucune valeur légale et servirait au mieux à aller au concert.
Je récupère mon vélo et là, ô rage, ô désespoir, alors que je veux remonter ma roue avant, je m’aperçois que le boulon qui sert à attacher la roue à la fourche a disparu, seul le petit ressort est présent. C’est le scénario catastrophe et très vite j’envisage plein de solutions possibles pour me sortir de ce mauvais pas. Ce que je crains à chaque transport en avion c’est concrétisé.
Je vais vers le comptoir des réclamations et demande à l’aimable préposée si je peux aller voir de l’autre côté du tapis roulant si par hasard mon écrou ne s’y trouve pas et pourquoi pas, soyons fous, refaire le trajet du chariot jusqu’à l’avion. La dame est un peu interloquée et me dit que même elle n’est pas autorisée à mettre un pied sur le tarmac mais que, en revanche, elle va demander au personnel autorisé de vérifier pour moi.
Je croise les doigts et j’ai raison car trois minutes plus tard la dame revient l’écrou dans une main et le pouce de son autre main levé, un grand sourire aux lèvres.
Je ne parviens pas à y croire, c’est comme de la magie et je me dis que j’ai une chance de pendu. Je ne sais pas comment la remercier, je n’ai pas de mots assez forts pour cela. Mon voyage commence sous les meilleurs auspices et c’est gaillardement que je rejoins l’appartement que j’ai réservé pour 3 nuits.
Il fait beau, je suis à 7 kms du centre ville et une belle piste cyclable longe la mer, agrémentée de belles sculptures.
Alexandre le Grand trône fièrement sur son cheval, j’ai vu au Pakistan le but de son voyage, c’est impressionnant.
Cette piste est envahie par les cyclistes du dimanche mais en dehors de ça, ils brillent par leur absence. Pas de SUL ni de ZAC et encore moins de panneaux B22 et B23. Les automobilistes semblent cependant attentifs aux cyclistes.
Musée de la civilisation Byzantine, musée d’Art Contemporain, musée de la présence juive, tour blanche, églises et monastère, fortifications, terrasses ouvertes, la 2ème ville de Grèce n’est pas dénuée d’intérêt.
Je commence à mieux cerner l’époque byzantine et ottomane. Au début du 19eme siècle, les juifs formaient la moitié de la population de la ville. Ils ne sont à présent plus qu’un millier.
Après ces 2 journées d’acclimatation et de remémoration aisée de l’écriture grecque, je décide de filer plein est. La prochaine étape sera la Chalcidique.